Retour d’exil d’une femme recherchée d’Hélène CASTEL- Le Seuil. Février 2009.
Ce n’est pas une parution toute récente mais c’est à la fois profondément humain, politique au sens le plus noble du terme et, de mon point de vue, remarquablement écrit.
Hélène CASTEL, fille du sociologue bien connu, Robert CASTEL a participé au début des années 80 à l’attaque d’une banque avec un groupe d’action directe. Cette action, qui est plus évoquée que décrite dans le « récit » s’est terminée en fiasco. La police est intervenue et n’a pas hésité à tirer. On devine qu’un des attaquants a été tué et au moins un des employés a été blessé –peut-être par le ricochet d’une balle tirée par la police...– les autres employés et clients ont été traumatisés. Hélène, la benjamine du groupe a réussi à s’enfuir puis à se réfugier au Mexique où elle est parvenue à se reconstruire une existence « normale » et socialement utile puisqu’elle est devenue psychothérapeute. Elle a une fille, une maison et elle aide des personnes socialement défavorisées.
En 2004 un Ministre de l’intérieur, pour se faire un coup de pub, met de gros moyens financiers et techniques pour retrouver et arrêter des fugitifs. Hélène Castel, une ex-gauchiste, que l’on peut maintenant qualifier d’ex-terroriste selon le terme à la mode, arrivée à quelques semaines du délai légal de prescription semble le cas rêvé que l’on va pouvoir monter en épingle.
Avec une brutalité inouïe, elle est pratiquement kidnappée, emprisonnée pendant trois mois dans des prisons mexicaines avant d’être extradée en France. Malgré la dureté des prisons mexicaines c’est en France, à Fleury-Mérogis, qu’elle découvre l’univers Kafkaïen du système carcéral français. Alors qu’au Mexique elle pouvait communiquer par téléphone avec sa fille adolescente : « Ici c’est impossible, rien n’entre ni ne sort que le courrier qui est lu– et peut même être photocopié si la gardienne décide que le juge d’instruction doit en prendre connaissance. Ce contrôle systématique, décourageant, voire avilissant, n’est-il pas une punition injuste pour les familles, les proches? [...] les larmes des femmes, ici, sont intarissables. Séparées de leur progéniture elles assistent, impuissantes, à leur éloignement progressif. Plus les petits sont jeunes, plus vite, il les oublient. La destruction des familles n’est pourtant pas inhérente à l’application de la justice, dans d’autres pays.»
Il ressort clairement que malgré des conditions matérielles difficiles qui font que la vie dans une prison mexicaine est loin d’être idyllique, les droits fondamentaux de la personne et de la famille sont beaucoup mieux respectés au Mexique que dans le pays riche et développé qui se targue d’être la « Patrie des droits de l’homme ».
Grâce à sa détermination, son intelligence et l’aide efficace de sa famille et de ses amis, Hélène CASTEL va, à l’issue d’une longue et douloureuse preuve, échapper à la détention provisoire qui semble être la règle en France alors qu’elle devrait être exceptionnelle.
Comparaissant libre à son procès, disposant de l’appui d’une excellente équipe d’avocats et d’un grand nombre de témoignages en sa faveur, elle va retourner en sa faveur le piège d’un procès politique à grand spectacle. Simplement condamnée à une peine de prison avec sursis, c’est en femme libre qu’elle va sortir du tribunal.
Tout est bien qui finit bien mais on reste bouleversé par ce témoignage humain d’une profondeur et d’une sincérité exceptionnelles. Ce récit autobiographique réussit à être à la fois une authentique oeuvre littéraire et un appel à la révolte contre un univers carcéral totalement inhumain qui en brisant les êtres au lieu de préparer leur réintégration dessert finalement la société que ce système prétend protéger.
Empruntez ce livre dans une bibliothèque ou achetez-le. Je ne pense pas que vous puissiez le regretter.
Manifeste d’économistes atterrés. Les Liens qui Libèrent (Novembre 2010) 5,50€
Un petit opuscule d’une cinquantaine de pages en petit format conçu par Philippe Askenazy (CNRS), Thomas Coutrot (Conseil scientifique d’ATTAC), André Orléan (CNRS) et Henri Sterdyniak (OFCE).
Quatre économistes qui ont obtenus le soutien et la signature de plus de 600 de leurs consoeurs et confrères dénoncent les principales « fausses évidences » qui sont utilisées comme justification des politiques de la plupart des pays et notamment celles de l’Union Européenne qui nous concernent au premier chef.
Ces professionnels, hétérodoxes mais issus du sérail, dénoncent l’escroquerie intellectuelle qui consiste à présenter comme vérités scientifiques objectives un certain nombre de dogmes qui reposent sur des simplifications abusives d’un modèle théorique simpliste et dépassé. Non seulement ces fausses évidences ont entraîné concrètement des crises à répétition et conduit l’humanité dans une impasse écologique mais les théoriciens rigoureux ont démontré qu’elles reposaient sur des hypothèses fallacieuses.
NON :
• Les marchés financiers ne sont pas efficients ;
• Les marchés financiers ne favorisent pas la croissance économique ;
• Les marchés ne sont pas de bon juges de la solvabilité des États ;
• L’envolée des dettes publiques ne résulte pas d’un excès de dépenses ;
• Il ne faut pas nécessairement réduire les dépenses pour réduire la dette publique ;
• La dette publique ne reporte pas le prix de nos excès sur nos petits-enfants ;
• Il n’est pas indispensable de rassurer les marchés financiers pour résoudre le problème de la dette publique ;
• L’union Européenne ne défend pas le modèle social Européen ;
• L’euro n’est pas un bouclier contre la crise ;
• La crise Grecque n’a pas fait progresser l’UE vers une vraie solidarité européenne.
Ces dix fausses évidences ne sont pas forcément les seules et on peut contester certains points de vue des auteurs qui semblent penser, au moins implicitement, qu’une certaine croissance est nécessaire. Les solutions qu’ils avancent ne sont que des propositions a priori amendables.
Outre quelques pistes intéressantes la principale qualité de ce petit ouvrage est de montrer clairement que la situation de crise où nous sommes ne relève pas de problèmes techniques que l’on peut confier à des experts mais de choix politiques qui doivent relever d’un véritable processus démocratique.
(Y. Falck, 7 février 2011)
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